lundi 22 décembre 2014

Trois jours dans le Verdon.

Trois jours dans la vie, c’est court. Dans le Verdon non.
Dans le Verdon on peut faire beaucoup de choses dans ce court laps de temps.

Mercredi 17 Décembre :

Arrivé à la Palud sur le coup de dix heures le matin, j’appelle Gautier pour savoir où il en est. Manque de pot, il ne s’est pas réveillé et lui et son ami base jumper Pascal n’arriveront que trois heures plus tard.
Qu’à cela ne tienne, je prends ma corde et vais grimper une belle longue voie, seul dans les gorges, c’est rare, et appréciable ! En effet, le mois de décembre contraste fortement avec celui de juillet. Pas de touristes, pas de grimpeurs, pas de slackeur. Seul pour de bon, avec le rocher et les vautours pour seuls compagnons. Le rappel et les 150m de la voie m’occupent jusqu’à midi, après quoi je commence à préparer seul l’installation pour laquelle nous venons : un pendulaire sur une highline de 117m, à 250m de haut.
Je fais passer une première corde d’un ancrage à l’autre, qui nous permettra de faire passer sangle, corde de sécurité et de réglages d’un seul coup. Cette opération m’occupe un peu moins d’une heure, et à peine ai-je fini que voilà les copains qui arrivent.
Ils plient leurs parachutes et Gautier en profite pour dégrossir mes lacunes en termes de pliage de parachute de BASE. Une fois pliés ils filent à l’exit du Vent des Errances et s’envoient 8 secondes de chutes le long de la falaise, pendant que je les canarde depuis la falaise. Les clichés sont dans la boite et je  vais chercher les deux apprentis oiseaux au bout des gorges, pour leur éviter un laborieux retour à pied, le stop étant exclu vu la fréquentation des lieux en ce début d’hiver…

(3, 2, 1, et du bon BASE !)

Une fois de retour Gautier et moi nous mettons directement à l’installation. Dans l’heure qui suit la ligne est passée, les cordes de réglages aussi, il ne restera que les derniers détails à régler le lendemain.
Le soir, direction Castellane pour un petit apéro et un repas dans le seul resto ouvert. Accueil au top, bon repas, bonne ambiance, une très bonne fin de journée, qui clôt une journée tout aussi bonne !

Jeudi 18 Décembre :

Réveil matinal, direction la Palud pour un petit café-croissant au café de la Place. Une fois expédié on remonte fissa sur le spot pour finir la mise en place de ce pendulaire. Et en premier lieu, scotcher la ligne ! Sans poulie de sangle c’est mission galère ! Heureusement Pascal s’y colle en échange d’une navette, le deal est équitable !

(Scotchage de ligne.)

Les cordes de sauts sont posées, leur ancrage est centré sur la ligne, toutes les cordes et sangle sont tendues, tout est prêt, il est 13h. Viens le moment de procéder à un premier test, celui du sac ! Très simple, on attache le sac aux cordes de saut et on le jette dans le vide (en ayant au préalable pris soin d’y accrocher une corde reliée au sommet de la falaise pour le remonter…) pour voir si la trajectoire de saut est bonne, et si on ne touchera pas la falaise à un moment de la chute, ou du pendule.
Tout est ok, on y croit, le moral est bon, la tension monte un peu pour Gautier.
Ah oui, petite aparté, le pendule ainsi installé permettra à Gautier de sauter, accroché aux cordes à la force de ses mains, parachute dans le dos, pour ensuite se lâcher au milieu du vide, chuter, et enfin ouvrir son parachute.
On comprend donc pourquoi la pression monte, l’install’ est sécu, la trajectoire de saut est bonne, le moment d’y aller se rapproche donc inexorablement !
Dernier test, Gautier enfile son parachute, un baudrier, prends les cordes de saut dans ses mains, s’y attache, et se jette dans le vide pour voir quelle pression ses bras subiront pendant la chute.
Dernier test, ok ! L’effort subit par le corps dans la chute est tout à fait acceptable, Gautier est sûr de ne pas lâcher les cordes au mauvais moment. Seul bémol, pendant ce saut test lors de l’impulsion de départ il est parti légèrement de biais ce qui l’a fait arriver de travers en bout de pendule… Vu le temps qu’a pris l’installation il ne veut pas faire de deuxième test, il sait que je suis venu pour slacker et veut donc en finir au plus vite pour que je puisse moi aussi profiter du résultat de notre travail. Sympa, mais engagé... !
Il est 15h lorsque le pendule est à nouveau prêt à être utilisé. Un grand verre d’eau, une cigarette, un coup d’œil sur la vidéo du saut de test pour bien voir ce qu’il faut faire et ne pas faire, et on se dirige tous vers le belvédère, Gautier pour le saut qu’il attend depuis longtemps, et nous pour l’aider à le réaliser et à l’immortaliser.
Le parachute est enfilé, sangle de poitrine fermée, simulation mentale du saut, poignée témoin, et c’est bon on peut y aller.
Tout le monde est tendu lorsque Gautier franchi la barrière les cordes à la main, que ce soit Pascal ou moi qui sommes à ses côtés pour la mise en place et les images, ou Seb qui prend des photos à une cinquantaine de mètres de là, la tension est palpable et se mélange à l’excitation de la performance à venir. C’est en effet un saut dangereux, autant que spectaculaire, et ils ne sont pas nombreux à avoir réalisé ce type d’enchaînements.

(Gautier "un peu" tendu avant le grand saut...)

Tout est prêt, Gautier chantonne un air pour s’encourager : « let the bodies hit the floor, let the bodies hit the floor… » et au troisième top il fait un grand pas de côté et amorce sa chute. Il frôle le rocher, prend de la vitesse, arrive en bout de pendule, se lâche et part dans un premier salto arrière, puis après un tout petit temps de latence en enchaine un second, puis ouvre son parachute ! L’exécution était parfaite, de la prise de vitesse à l’ouverture en passant par les deux backflips, bravo !
Au moment de l’ouverture d’une voile un grand bruissement résonne, et ce d’autant plus dans ces gorges. Dès que nous entendons ce bruit tant attendu, synonyme de sa réussite, nous éclatons de joie et hurlons à pleins poumons en riant ! Au loin on entend Gautier exploser de joie sous sa voile.

(Et c'est partiiiii !)

Après le saut de Gautier, Pascal veut aussi s’envoyer en l’air et choisit de sauter depuis l’exit de Pichenibule, soit juste à côté des ancrages de la ligne. Je monte donc sur la highline pour le filmer pendant son saut, tout en slackant.
Ensuite c’est reparti pour une navette jusqu’au fond des gorges. Les deux base jumpeurs sont ravis de leur saut respectif et ça parle fort dans la voiture ! Au passage on récupère Maëlys qui arrive de Grenoble et qui fait du pouce sur le bord de la route.
De retour là-haut nous désinstallons les cordes de pendule pour libérer la highline, c’est  à mon tour de me mettre un peu de défi ! 117m de sangle en polyester avec backup corde 9mm, pas facile !
Pendant ce temps Seb et Maëlys s’envoient le plus beau 6a des gorges, juste sous la highline, le tout au coucher du soleil, dément !
Quant à moi, je me fais rouster mais ça fait du bien !

Le soir on redescend au bar boire un canon bien mérité ! On regarde les différentes vidéos prises l’après-midi sous le regard incrédule du barman, ce qui ne l’empêchera pas de nous gaver d’excellents tapas pour agrémenter nos bières !

Vendredi 19 Décembre :

Réveil encore une fois bien matinal pour profiter du lever de soleil sur les gorges avec une magnifique mer de nuage dans le canyon pour compléter ce moment féérique.

(Pas mal non?)

Les premiers essais matinaux ne sont pas très concluants, mais je me dis qu’après un bon café et un petit déjeuner digne de ce nom ça ira mieux !
Mais non, ça ne va pas beaucoup mieux après… C’est dur, très dur ! Mais petit à petit ça progresse et même si je sais que je ne la traverserais pas, l’intérêt est là : apprendre à appréhender des lignes aussi longues et lourdes.


Petite pause avant midi. J’en profite pour plier le parachute de Gautier, histoire de voir comment ça marche. Etape après étape il me montre comment, et surtout pourquoi, faire les choses de telle ou telle façon.
Cette journée sera aussi celle des rencontres. Tout au long de la journée des gens passent, voient notre installation et viennent discuter avec nous. De la retraitée solitaire au lever du soleil, jusqu’au groupe de jeunes espagnols en début d’après-midi, ces échanges font plaisir, surtout lorsqu’ils amènent un garçon du groupe d’espagnol à venir s’asseoir sur la highline, la peur au ventre, mais le sourire bien présent sur son visage lorsqu’il repart sur la route !

De leur côté Seb et Maëlys iront profiter de belles longueurs faciles dans Afin que Nul ne Meure, finissant même la voie dans le noir, sans frontale !

A la fin de la journée, toujours pas de grosse perf’ en vue, 20m d’affilée à tout péter, mais le plaisir commence à être là, l’aisance vient petit à petit, et c’est « ça qu’est bon » !!!


Au final, trois jours dans le Verdon, c’est toujours assez intense et à la fin du séjour on a l’impression d’y être depuis au moins une semaine ! Mais c’est pour ça qu’on y revient toujours, parce qu’au final on y est un peu comme à la maison, entre amis et en plein air dans un cadre grandiose où règne pourtant une atmosphère incroyablement paisible.

Oui, on y est même mieux qu’à la maison.
We’ll be back !

(La vidéo du saut, c'est ici: https://www.youtube.com/watch?v=k72EXyZT9Rs&index=1&list=UUvidC4DR3bPyuSBncoBj-vw )

mardi 21 octobre 2014

Première ouverture de skyline.

Alors c’est très simple, on est monté avec du matos, on a grimpé, on a posé notre slack et notre pendulaire, on en a bien profité, et on est redescendu.
C’était, à peu de chose près, ce qu’on avait prévu, mais ça n’est jamais aussi simple.

Départ mercredi soir de Chambéry avec Florentin en direction de Courmayeur, dans le but de monter le jeudi matin dans la Combe Maudite pour avancer au maximum l’installation en attendant les copains, qui, eux, travaillent et n’arriveront que le samedi matin.
Sauf que jeudi c’est pluie ! On reste la journée dans le camion à attendre que ça passe pour monter, mais ça ne passe pas.
L’éclaircie se fera attendre jusqu’à vendredi en milieu de matinée. Le temps de décharger les 60kg (chacun) de matériel et on est dans la benne, avec sac de hissage et pulka bien pleins.
Arrivé en haut nous constatons sans surprise qu’il n’y a plus de trace sur le glacier, effacée par les chutes de neige de la veille. C’est donc sac sur le dos et pulka harnachée à la taille que nous attaquons la traversée du Glacier du Géant de la pointe Helbronner jusqu'au pied de la Tour Ronde.
Faire la trace n’est pas facile, surtout quand on ne connait pas le coin et que le brouillard s’invite régulièrement, nous obligeant à nous arrêter jusqu'à l’éclaircie suivante.


(Le brouillard se lève, nous approchons bientôt du bivouac.)

Arrivés à la gare du téléphérique aux alentours de 11h30, nous n’arriverons à l’emplacement de bivouac qu’à 17h, alors que cet itinéraire ne demande normalement qu’une à deux heures de marche. Les pulkas, le brouillard et la trace à faire nous on fait perdre beaucoup de temps.
Une fois arrivés, nous dégageons un espace plat et abrité du vent pour y poser la tente, avalons rapidement un lyophilisé chacun, puis nous réfugions sous la tente alors que le froid tombe avec la nuit.

Le lendemain au réveil nous découvrons ce qui sera notre routine pour les nuits à venir : tente givrée qui trempe les duvets, chaussures gelées, eau gelée, etc… C’est donc toute une routine de préparation matinale qui doit se mettre en place : préparer un thermos la veille au soir, préparer stratégiquement ses affaires pour sortir du duvet…


(Fait frisquet le matin..)

Une fois sortis nous décidons d’attaquer la voie Lepiney sur le Trident du Tacul en attendant les copains qui, normalement, ne devraient pas tarder.
Arrivée au relais de départ nous attaquons la voie par une vire sur la gauche, semblant correspondre aux indications du topo, mais, Florentin en tête, nous nous rendons vite compte que l’escalade est beaucoup plus dure que prévu, et que ça ne passera pas en grosse chaussures de montagne. Florentin redescend au relais et c’est moi qui m’y colle pour finir la longueur et récupérer les coinceurs laissés dans la voie. Après une belle frayeur j’arrive au relais, laisse passer une cordée qui nous dépasse (mais qui fera elle aussi demi-tour quelques dizaine de mètres plus loin),  puis descend en rappel. Il est 14h quand nous revenons à la tente un peu dépités, mais surtout surpris par le niveau de la voie, annoncée 5c max (TD).


(Dans ce que nous pensions être la voie Lepiney.)

Au bivouac les copains sont arrivés et me motivent à repartir avec eux finir l’ascension des deux faces pour y poser les cordes fixes qui permettront l’installation du pendulaire et de la highline. Florentin reste au bivouac et nous repartons, Yoann, Yann, Ana et moi.
Arrivée à la rimaye il est 16h, et j’ai quelques doutes sur les chances de finir de poser les cordes fixes ce soir. Mais les amis alpinistes sont aussi très optimistes, et nous partons chacun dans nos voies : Yann et Ana dans la Bonatti-Tabou à la Chandelle du Tacul (6b+ max, ED-), Yoann et moi repartons dans la Lepiney, mais dans le bon itinéraire cette fois.
A mesure que le soleil passe derrière le Mont Blanc, la température descend et la grimpe se rafraîchit. Et les nombreuses vires enneigées présentes sur l’itinéraire ne nous aident pas. En chausson dans la neige, sur du rocher mouillé, à l’ombre, à 3500m, à l’automne, un vrai régal pour les doigts et les pieds !


(Grimpe automnale à la tombée du jour.)

Nous trouvons finalement l’endroit idéal pour poser nos installations et commençons à équiper. Le perfo de notre côté tombe en rade après avoir posé 3 points de 10 pour le pendulaire. Décision est donc prise que nous poserons le pendulaire sur la highline, ce qui nous évitera d’avoir à équiper deux installations différentes.
Nous redescendons ensuite en déroulant les cordes d’accès, puis nous rentrons au camp, il est 21h.


(Le bivouac.)

Le lendemain, dimanche, la moitié de l’équipe repart au refuge Torino pour participer à une manifestation organisée par l’association Moutain Wilderness contre la pollution sonore en montagne.
Nous ne sommes donc plus que 4 pour finir l’installation. Nous partons de bonne heure Boris, Manu, Louis et moi pour hisser le matériel jusqu'aux ancrages et finaliser l’installation.
Tout se passe bien et à 14h la ligne et le pendulaire sont en place. Nous redescendons manger un bout, puis nous remontons Louis, Florentin et moi, pour tester la slack. Entre temps, pendant que nous remontions, Boris et Manu décollent depuis le glacier en parapente, destination Chamonix et une bonne bière en terrasse que nous leur envions un peu.
Viens le moment tant attendu, les premiers pas sur cette sangle de 65m de long à 3500m d’altitude. Et là c’est la rouste.

(Départ timide sur la highline.)

Nous avons peu tendu la sangle pour que le pendule ne soit pas trop sec, et il y a sous la sangle une corde de sécurité, plus une corde de réglage, ce qui alourdit considérablement la ligne, sans parler des cordes de sauts qui pendent depuis le milieu de la ligne et casse les rythme des oscillations de la sangle. Bref, on est terreur dessus !
J’arrive quand même à aligner quelque pas timide, Louis arrive à se lever, puis pose quelques petits tricks, et Florentin nous fera même le plaisir de monter sur la ligne, lui qui n’a jamais approché une highline !
Cette ligne est vraiment magnifique, avec vue sur le Mont Blanc et une belle ouverture sur le côté avec panorama sur le glacier et sur l’arête de la Brenva.
 Après une journée d’installation au soleil en altitude, on commence à être bien fatigué et la nuit approchant, nous décidons de rentrer.
Nous retrouvons l’autre moitié de l’équipe aux tentes, enfin revenus de leur manifestation.
On discute un peu des possibilités de départ pour le pendulaire, de nos impressions sur la highline, des conditions de vol en parapente que les copains ont rencontré lors de leur manifestation, etc…

Lundi matin c’est la course, nous nous dépêchons pour avoir le temps de slacker un peu, de sauter, et de démonter avant de rentrer pour 16h30 au refuge et attraper la dernière benne.
En guise de sauts nous aurons plutôt une grande balançoire loin au-dessus du glacier, avec vue sur le Mont Blanc, tout en douceur et en contemplation. Mais l’exit de saut est repéré et nous reviendrons pour sauter comme il se doit une prochaine fois !

(Yoann survole le paysage.)

Quelques essais pas forcément plus concluant que la veille pour Louis et moi, puis c’est la désinstallation.
Après une longueur de désescalade exposée, assurée par Louis en contrebas avec une corde statique, nous retrouvons les relais chaînés et entamons la dernière descente.
Arrivé au bivouac que nous avons plié le matin, il est 14h30. Il nous reste 2h pour remonter une pulka et nos sac, Louis Yoann Yann et moi, Florentin et Ana étant partis en avance avec la seconde pulka. Timing très serré, nous avançons vite, mais arrivés au ressaut raide nous commençons à en baver sérieusement : 50kg à traîner dans une neige transformée ce n’est pas évident. Je suis harnaché à la pulka, Yoann devant moi m’accroche un bout de corde au baudrier pour me tirer et Yann derrière pousse la pulka. Au bout de quelques centaines de mètres je « coule une bielle ».  Je laisse ma place à Yann et prends la sienne derrière la pulka.
Après une très longue heure de galère et grâce à l’aide de 3 autres alpinistes rencontrés dans la montée, nous arrivons au refuge à 16h18, a peu près dans les temps. Sauf qu’il nous reste les 228 marches qui mènent du refuge à la télécabine à descendre avec tous le matériel. C’est la course, nous sommes tous épuisés et les allers-retours dans les escaliers n’arrangent rien !
Finalement ca passe de justesse, nous descendons avec la dernière benne de service, et c’est le retour à la vie « normale », à la chaleur et à l’air un peu moins raréfié.

La journée s’achevera sur un tri de la tonne de matos sur un parking en plein milieu du passage, sous le regards parfois bien étonnés des voisins.

Merci les copains pour ces moments là haut !